Le Point, 1. 10. 90

. .. Pour fêter celui qui, plus qu'aucun autre, a bous culé son siècle, le Musée historique de Berlin a réuni une remarquable exposition qui ne tient en rien du culte... Au contraire. Plutôt que d'evoquer le seul profil de celui que Kissinger appelle le "Revolutionnaire blanc", Marie Louise von Plessen, organisatrice de la manifestation, a préferé proposer une véritable traversée du siécle. Fresque symphonique, modèle titan, l'exposition Bismarck est donc autant celle d'une époque, du congrés de Vienne (1815) à la conférence de Berlin (1884), que l'evocation du fondateur du lle Reich.
Présentés de manière paradoxale, "Révolutions bourgeoises montée du syndicalisme", "Revendications démocratiques d'avant 1848 - recherches de l'identité allemande", les thèmes développés soulignent avec brio les relations compliquées de la "longue période" et de l'événement. Une machine-outil de l'époque, la maquette d'une locomotive ou la peinture d'un atelier métallurgique dans la Ruhr sont là pour expliquer que ce siècle a aussi été celui de la vapeur et du charbon, de l'emergence des masses, de la naissance de la démocratie autant que du réveil des peuples. Des "objets de mémoire" à forte charge émotionnelle ont été sélectionnés - drapeau de la Commune de Paris, pierres tombales de soldats morts à Sadowa, fac similé de la dépêche d'Ems - et sont juxtaposés de facon que le visiteur se pose quelques questions.
Bismarck: son casque à pointe attire la foudre, sa masse critique historique écrase, sa taille à peu de chose prés, celle de Helmut Kohl _ _ _ - impressionne, sa légende aveugle. Peu importe que la Weltpolitik allemande soit l'oeuvre des ses successeurs, que les poisons du pangermanisme se répandent, surtout aprés 1890: à la moindre inquiétude en France, on crie au retour de Bismarck! . ..

Jean Pierrard